Il me semble, parfois, que les soldats
Qui ne reviennent pas des champs ensanglantés,
Se sont couchés un jour, ailleurs que dans notre terre,
Et se sont transformés en grues blanches.
Depuis lors, et aujourd'hui encore,
Ils volent et nous font entendre leur voix.
N'est-ce pas pour cela que, si souvent,
Nous nous taisons pour regarder tristement le ciel?
Les grues lasses volent en V dans le ciel,
Dans le brouillard, à la tombée du jour,
Et il y a un petit espace dans cette formation,
Peut-être est-ce une place pour moi.
Le jour va se lever et, avec la volée de grues,
Je flotterai dans cette même brume bleuâtre,
En vous interpellant, comme un oiseau, dans le ciel,
Vous tous, que j'ai laissés sur terre.
Il me semble, parfois, que les soldats
Qui ne reviennent pas des champs ensanglantés,
Se sont couchés un jour, ailleurs que dans notre terre,
Et se sont transformés en grues blanches...