Il est 20 heures, j’attends qu’il meure,
Notre bonheur était un leurre.
Et ça coûte cher de divorcer,
C’est bien plus simple de le tuer.
J’ai mélangé au rôti d’porc
De l’aspirine, du Mediator.
Ça fait des morts propres et nettes,
Comme ils le disent sur Internet.
Puisqu’il a l’estomac fragile,
Qu’il est cardiaque et hémophile,
C’est l’crime parfait, tout en douceur.
Il est 20 heures, j’attends qu’il meure.
Mais j’comprends pas, monsieur l’agent,
C’qu’a pu vous raconter l’SAMU.
C’est pourtant simple et évident,
L’cœur a lâché, j’en sais pas plus.
22 h 30, je m’impatiente.
J’ai p’t’êt’ été imprévoyante.
J’vois qu’il s’agite et qu’il transpire ;
Il a pas l’air d’vouloir mourir.
J’vais lui donner son hydromel,
Assaisonné à l’antigel.
Ça bouffe les reins et ça les nique,
Comme ils l’ont montré dans Derrick.
Faut qu’il y passe, pasqu’il m’agace.
Ça fait des années qu’ça traînasse,
Et qu’il me prend pour sa servante.
22 h 30, je m’impatiente.
Mais je vous l’dis , m’sieur l’commissaire,
Comme d’habitude il avait bu.
Quand il a pris son dernier verre,
L’a dû s’tromper, j’en sais pas plus.
Il est minuit, c’est pas fini.
Et ça m’ennuie qu’il ait vomi.
Il faut qu’ça cesse, c’est un cauchemar,
Je vais l’noyer dans la baignoire.
Je l’ai fait glisser dans l’eau glacée,
Mais ça l’a tout revigoré.
Le sèche-cheveux posé d’vant moi
M’a fait penser à Claude François.
Du 220 dans les gencives,
Ça m’étonn’rait bien qu’il survive.
En un éclair le voilà cuit
Il est minuit et c’est fini !
Mais monsieur l’juge, je vous l’assure,
Il bricolait toujours tout nu.
Avec une telle désinvolture,
J’l’avais prév’nu, j’en sais pas plus…
Il est trois heures et c’est l’horreur,
Le choc a fait r’partir son cœur.
Là, c’est la colère qui l’emporte,
J’vais employer la manière forte.
Je traîne le bonhomme au salon,
Une vieille cravate sous le menton.
Qu’importent les traces laissées par terre,
J’sais comment faire, grâce aux Experts.
Je prends tout c’qui m’tombe sous la main.
Tiens là, il fait bien moins le malin,
Sans aucun r’mords, j’y tape dessus.
Voilà l’aurore et j’en peux plus !
Mais je vous l’jure, m’sieur l’président,
Quand on voit c’qui traîne dans les rues…
Faut pas s’étonner qu’les braves gens
S’fassent tuer chez eux, j’en sais pas plus.
Voilà l’aurore et il est mort !
J’vais faire couler un café fort,
Ranger un peu et nettoyer,
Faire un p’tit somme bien mérité.
Neuf heures, je n’ai plus la patience.
Enfin j’vais voir si j’ai d’la chance,
J’veux savoir c’qu’y a dans l’contrat.
J’appelle Cerise de Groupama.
Ah, quand je pense au coût d’la vie,
Va m’falloir un nouveau mari.
Un peu plus riche qu’les trois derniers
Et un peu plus facile à tuer.
C’est pas d’ma faute, m’ssieurs les jurés.
Les belles promesses, j’y croirai plus.
Moi qui ai tant besoin d’être aimée,
À chaque fois, je suis déçue.