Pour m'éviter qu'un jour, par l'âge
Et par la gangrène du temps,
Tu découvres sur mon visage
Les dégâts causés par les ans,
Va-t'en, va-t'en, va-t'en.
Avant de constater, lucide,
Les signes flagrants du décours
Et que tes désirs se suicident
Sur les cendres de notre amour,
Va-t'en, va-t'en,
Je t'en prie mon amour, va-t'en.
Je t'aime, je t'aime et le jure
Sur tous les dieux, sur toi, sur moi,
Et je veux que tu gardes pure
Et belle mon image en toi.
Aussi, pars avant le mensonge,
Avant que de faire semblant,
Pour me retrouver dans tes songes,
Sans ride et sans un cheveu blanc,
Va-t'en, va-t'en,
Je t'en prie mon amour, va-t'en.
Avant de me voir pitoyable
Parce que malgré mes efforts,
Confronté à l'irrémédiable,
L'amour seul n'est plus assez fort,
Va-t'en, va-t'en, va-t'en.
Avant que mon cœur se consume
Dans le doute et la jalousie,
Et que nos rapports se résument
(Qu')'à dormir dans un même lit,
Va-t'en, va-t'en,
Je t'en prie mon amour, va-t'en.
J'ai peur, j'ai peur, car je t'adore,
Tu es tout ce qui fait ma vie,
Aujourd'hui je suis fort encore,
Mais dans dix ou vingt ans d'ici,
Pour ne pas me voir au régime,
Surveillant ma ligne et mon teint,
Et dérisoirement victime
Du miroir et du chirurgien,
Pour éviter ces heures noires
Que nous vivons en vieillissant,
Pour me garder dans ta mémoire,
Jeune et fier immuablement,
Protégé des griffes du temps,
Comme la Belle au bois dormant,
Va-t'en, va-t'en,
Je t'en prie mon amour, va-t'en.