Cher monsieur, je vous informe
par la présente de mon indisposition.
Au moment où j'écris ces mots,
je ne suis pas beau à voir.
J'ai des bleus sur tout le corps,
mon visage est tout gris,
et je rédige cette note pour vous expliquer
pourquoi je ne suis pas venu ce matin.
Alors que je travaillais au 14ème étage,
il a fallu débarrasser des briques.
Mais les jeter d'une hauteur pareille,
ça n'aurait pas été une bonne idée.
Le contremaître n'était pas content
(et il est pas dégourdi, l'enflure),
et il m'a dit de les descendre
par les échelles, dans ma hotte.
Mais bon, déblayer toutes ces briques à la main,
c'était vraiment trop long.
Alors j'ai monté un tonneau,
et j'ai accroché une corde en-dessous.
Mais dans mon empressement
j'ai oublié de penser
qu'un tonneau plein de briques
ça pèse plus lourd que moi.
Alors quand j'ai détaché la corde
le tonneau est tombé comme une pierre.
Et moi, comme je m'accrochais à la corde,
eh ben j'ai commencé à monter.
Je suis parti comme une fusée,
et à mon grand désarroi
j'ai croisé à mi-chemin ce foutu
tonneau qui descendait.
Le tonneau m'a bousillé l'épaule
pendant qu'il filait vers le bas.
Et quand j'ai atteint le sommet,
je me suis cogné la tête contre la poulie.
Alors que, à moitié abruti par le choc ,
je m'accrochais ferme à la corde,
la moitié des briques a giclé du tonneau
14 étages plus bas.
Mais voilà : avec toutes ces briques
qui se retrouvaient par terre,
je me suis mis à peser plus que le tonneau,
et du coup je suis reparti vers le bas.
Mais je m'accrochais toujours à la corde,
malgré mes grandes douleurs,
et à mi-chemin j'ai encore croisé
ce foutu tonneau.
La force du choc
à mi-hauteur de l'immeuble
a occasionné de multiples écorchures
et un traumatisme sévère.
Mais je m'accrochais toujours
alors que je filais vers le sol,
pour atterrir sur les débris de briques
répandues par le tonneau.
Bon, une fois étalé par terre,
j'ai pensé que le pire était passé.
Mais le tonneau a heurté la poulie,
et le fond a lâché.
Une pluie de briques m'a dégringolé dessus.
Je n'avais plus aucun espoir,
baignant dans mon sang sur le sol,
alors j'ai lâché cette foutue corde.
Du coup c'est le tonneau qui était le plus lourd,
alors il est reparti vers le bas.
Il m'a atterri en plein dessus,
alors que j'étais encore par terre.
Il m'a cassé trois côtes et le bras gauche,
alors tout ce que je peux vous dire
c'est que j'espère que vous comprendrez
pourquoi je ne suis pas venu travailler aujourd'hui.