Un roi s'apprêtait à partir en campagne.
La reine lui prépara des biscuits secs
rapiéça soigneusement sa vieille cape, et lui donna
une blague de tabac gris et un plein torchon de sel.
Puis elle posa sa main sur sa poitrine
et lui dit en le gratifiant d'un regard lumineux :
« Tu as intérêt à les battre, pas le moment de devenir pacifiste,
et n'oublie pas de rafler le pain d'épice de l'ennemi. »
Alors le roi contempla son armée rassemblée dans la cour.
Cinq soldats tristes, cinq joyeux et un caporal.
Le roi leur dit: « Nous n'avons peur ni de la presse, ni du vent.
Nous vaincrons l'ennemi, en avant pour la victoire, hourra ! »
Là s'arrêta son art des discours d'adieux.
En chemin, le roi réorganisa son armée.
Il nomma derechef les cinq soldats joyeux intendants,
et laissa les tristes à leur place. « Avec un peu de chance, ça ira »
Rendez-vous compte : la victoire leur sourit.
Cinq soldats tristes ne revinrent pas des combats.
Le caporal à la moralité douteuse épousa une prisonnière,
mais ils réussirent à rafler un plein sac de pain d'épice.
Jouez fanfares, que résonnent chants et rires.
Le chagrin n'est pas de mise, mes amis.
Après tout, à quoi bon rester en vie pour un soldat triste ?
Et puis il n'y a jamais assez de pain d'épice pour tout le monde.