Souviens-toi, Étienne...
Je débarquais ce matin-là,
Ma petite valise sous le bras
Avec une ficelle autour et je restais muet et figé devant toi.
Dans ce misérable bagage,
J'avais emmené en voyage
Tous mes trésors, tous mes jouets
Quelques pauvres vêtements et mon chez-moi.
Étienne, j'étais si malheureux
Que lorsque je défis le nœud,
Soudain cet autre nœud serrant ma gorge sauta
Et bêtement je sanglotai.
Et ce garçon, cet étranger
Sans me comprendre vint m'aider à déballer
Ma valise et il fit semblant de ne pas voir que je pleurais
Étienne, si seulement... {x2}
Souviens-toi, Étienne...
Comme on sillonnait ton village,
Nous, la terreur du voisinage.
J'étais ton frère jumeau plutôt qu'un hôte dans la maison de tes parents.
Tout ce qui était interdit
Tout ce qui causait des ennuis
Nous attirait si fort que chaque punition n'était qu'un encouragement.
On se moquait d'être punis
On s'occupait de nos zizis
Qu'on comparait dans les buissons
Près de l'écluse et de la maison délabrée.
Et pour une bière, trois sucettes
Cinq chewing-gums, deux cigarettes
Nous admettions à notre spectacle la jeunesse locale enthousiasmée
Étienne, si seulement... {x2}
Souviens-toi, Étienne...
Avec tes mains nues, tu savais pêcher
Les truites et j'en restais bouche bée.
Et un jour, nous avons surpris le boulanger et mademoiselle Yvonne
Dans leur nid d'amour, dans le blé.
Et on les avait fait chanter tout un été
"Par ici les babas ou on en discute avec la patronne"
Et puis il y avait Maryse
Maryse, Maryse, cette indécise
Entre nous deux, Maryse la plus belle entre Privas, Mézillac et Le Puy.
Mais si elle me souriait à moi
Elle n'avait d'yeux que pour toi.
Et ce regard à fendre l'âme et tu disais "L'été prochain, je la séduis"
Étienne, si seulement... {x2}
Si seulement, si seulement le temps,
Rien que pour un instant
S'était arrêté ce jour-là,
Si nous avions traîné avant de descendre dans l'escalier en cavalcade,
Si le concierge avait fait durer l'engueulade,
Si on avait partagé une cigarette,
En feuilletant le livre interdit en cachette,
Si seulement j'avais relacé mes chaussures,
Rien qu'un instant et cette maudite voiture
Serait passée juste avant nous, sans percuter notre avenir,
Sans briser tes espoirs et tes projets,
Sans étouffer à jamais tous nos rires.
Tu es là Étienne...
Toi, tu as toujours tes douze ans,
Tes beaux cheveux noirs ondoyants
Et tes longs cils et ton sourire, Étienne!
Et j'ai les cheveux gris et je suis vieux!
Je crois qu'on ne guérit jamais.
On n'oublie rien du tout, tu sais
Le moindre de tes traits,
Le moindre de tes gestes est
Toujours présent à mes yeux.
Ce soir, je reviens au pays,
Je bois à ta mémoire, ami!
En levant mon verre aux étoiles.
Et j'aime l'idée que tu me fasses
De là-haut, un p'tit clin d'œil, une grimace
Un sourire du fond de l'espace
À la tienne, Étienne, salut
À un de ces quatre matins, va
À bientôt!