Qu’ils sont jolis, tes contours effacés,
Que ton déclin est précoce !
On a senti un petit souffle passer :
C’était le bruit de la noce.
Il a touché, en passant, les vieilles cordes,
Les plongeant dans le mirage.
Et donc voilà que, sans miséricorde,
Arrive janvier, pris de rage.
Nous décorions avec zèle tes branches,
Nous chantions tous à tue-tête,
Comme si voulions accomplir un exploit,
Et même sonnions des trompettes.
Il m’a semblé même - peut-être naïvement, -
En regardant cette femme,
Que son visage enchanté et charmant
Se fond avec ta belle flamme.
Mais vient pourtant le moment de payer,
Faire nos adieux immanquables…
Tu es devenu soudain non désiré -
Sont-ils stupides ? Que diable !
Ces rossignols raffinés et sereins,
Ces grenadiers très fidèles,
Ah, mais pourquoi s'en lavent-t-ils les mains
En voyant tes peines mortelles ?
Ils pourraient bien essayer de lutter
Contre le temps implacable.
Pourtant, les roues recommencent à frapper -
Cette perte est insoutenable !
Nous revenons à la vie qui décroît,
Dieu nous fera disparaître.
Tu as été déposé de la croix,
Et sans espoir de renaître.
Oh, mon sapin, comme un cerf qui s’enfuit,
Tu as eu beau me distraire :
L’ombre de la femme s’est déjà évanouie
Dans tes aiguilles passagères.
Oh, mon sapin, Saint-Sauveur-sur-le-sang,1
Ta silhouette éphémère
Est si semblable à un doux sentiment
Qu’on n’a pas pu satisfaire.
1. Allusion à la cathédrale portant ce nom, qu'on avait érigée à Saint-Pétersbourg à l'occasion de l'assassinat de l'empereur Alexandre II