Il faudra bientôt nous mettre en route
Vers ce lieu de grâce, pas à pas.
D'ici peu, je vais devoir sans doute
Rassembler mon fardeau ici-bas.
Fiers bouleaux, belles forêts si chères,
Toi, ma terre ! et vous, guérets sableux,
Tout s'enfuit, multitude éphémère,
Et, navré, je reste silencieux.
J'aurai trop désiré en ce monde
Tout ce qui revêt l'âme de chair.
Paix au tremble étirant sur les ondes
Au couchant rosé, ses rameaux verts.
J'ai beaucoup songé dans le silence,
Composant des chansons à mon gré ;
En dépit de la désespérance,
J'ai, heureux, vécu et respiré.
J'ai, heureux, embrassé bien des femmes
Et roulé dans l'herbe et dans les fleurs,
Je n'ai pas frappé les bêtes calmes,
Car ce sont nos frères et nos sœurs.
Je le sais, là-bas pas de grands arbres,
Ni l'appel du seigle gracieux.
C'est pourquoi, face à ces graves marbres,
Je me sens tremblant et anxieux.
Je le sais, il n'est, dans ce royaume,
Pas de champs dorant le soir obscur.
C'est pourquoi me sont si chers les hommes
Partageant ma terre et mon azur.