Vous n'êtes pas aux monuments aux morts.
Vous n'êtes même plus dans les mémoires,
comme vos compagnons de la Mer Noire.
Vous êtes morts, et deux fois morts.
A vos petits-enfants on ne répète jamais
comment finit leur grand papa.
Il y a des choses dont on ne parle pas,
mutins de 1917.
Sur votre dos, les Joffre et les Nivelle
faisaient carrière dans les états-majors.
Leur humeur décidait de votre sort,
aujourd'hui qui se le rappelle ?
Au lieu de s'emmerder en garnison,
au lieu de piétiner au même grade,
c'était le temps béni de l'empoignade,
vous parlez d'une belle occasion !
Vous aviez fait tant d'assauts inutiles,
juste pour corser le communiqué.
Vous vous sentiez tellement cocufiés,
tellement pris pour des imbéciles
que vous avez voulu que ça s'arrête,
cet abattoir tenu par la patrie,
cette nationale charcuterie,
mutins de 1917.
Avant l'attaque arrivaient les cercueils
et vous coupiez votre pain sur leurs planches.
Tout juste si le crêpe à votre manche
n'annonçait votre propre deuil.
Par malheur la France n'était pas prête.
Se révolter lui paraissait énorme.
Elle bavait encore devant l'uniforme,
mutins de 1917.
L'histoire vous a jetés dans ses égouts,
cachant sous les flots de ses Marseillaises
qu'une bonne moitié de l'armée française
brûlait de faire comme vous.
Un jour, sortirez-vous des oubliettes ?
Un jour, verrons-nous gagner votre cause ?
J'en doute, à voir le train dont vont les choses,
mutins de 1917,
mutins de 1917.