. . J'étais autrefois bien nerveux. Me voici sur une nouvelle voie :
. . Je mets une pomme sur ma table. Puis je me mets dans cette pomme. Quelle tranquillité !
. . Ça a l'air simple. Pourtant il y a vingt ans que j'essayais ; et je n'eusse pas réussi, voulant commencer par là. Pourquoi pas ? Je me serais cru humilié peut-être, vu sa petite taille et sa vie opaque et lente. C'est possible. Les pensées de la couche du dessous sont rarement belles.
. . Je commençai donc autrement et m'unis à l'Escaut.
. . L'Escaut à Anvers, où je le trouvais, est large et important et il pousse un grand flot. Les navires de haut bord, qui se présentent, il les prend. C'est un fleuve, un vrai.
. . Je résolus de faire un avec lui. Je me tenais sur le quai à toute heure du jour. Mais je m'éparpillai en de nombreuses et inutile vues.
. . Et puis, malgré moi, je regardais les femmes de temps à autre, et ça, un fleuve ne le permet pas, ni une pomme ne le permet, ni rien dans la nature.
. . Donc l'Escaut et mille sensations. Que faire ? Subitement, ayant renoncé à tout, je me trouvai... je ne dirai pas à sa place, car, pour dire vrai, ce ne fut jamais tout à fait cela. Il coule incessamment (voilà une grande difficulté) et se glisse vers la Hollande où il trouvera la mer et l'altitude zéro.
. . J'en viens à la pomme. Là encore, il y eut des tâtonnements, des expériences ; c'est toute une histoire. Partir est peu commode et de même l'expliquer.
. . Mais en un mot, je puis vous le dire. Souffrir est le mot.
. . Quand j'arrivai dans la pomme, j'étais glacé.