[Intro: Soprano & Thierry Desroses]
- Bonsoir à toutes et à tous. Bienvenue à notre réunion hebdomadaire des mélancoliques anonymes. Réservons un accueil particulièrement chaleureux aux nouveaux, pour qui ça n'a certainement pas été facile de venir jusqu'à nous. Nous allons débuter cette réunion par un témoignage. Qui veut se lancer ?
- Moi
- Toi? Et bien nous t'écoutons...
- Merci
[Couplet 1: Soprano]
Bonsoir je m'appelle Saïd (Bonsoir Saïd !)
J'ai 27 ans et j'suis mélancolique
J'suis de ces artistes qui écrivent leur vie
Comme on laisse une dernière lettre près d'une boite de Prozac vide
Ça a été très difficile pour moi de venir ici, d'accepter ma dépendance à la mélancolie
Le déclic a été de voir ma mère recracher en larme tous ce qu'elle a bu de mes bouteilles à la mer
Je m'en veux de la voir si triste alors qu'elle n'a jamais été la lame de mes cicatrices
Ni personne de ma famille d'ailleurs mais leur tailleur est noir à chaque fois qu'ils écoutent mes disques
J'ai pris le risque de faire de la musique
Détailler ma vie au public pour soigner un mal de vivre
Je prends conscience de mon égoïsme
Quand je vois comment ils subissent le succès de mes lyrics
Je remplis mes vers de rimes mélancoliques
Et ma voix frise le coma éthylique sur-rythmique
J'aime la pression qui mousse mes thèmes
Un ivrogne qui s'empègue avec des packs de peines
[Refrain: Soprano]
Car j’ai trouvé mon bonheur en chantant mes malheurs
Réappris à rire à travers mes pleurs
Mais j'réalise que j'fais du mal à ceux que j'aime
Depuis que j'bois des verres de mélancolie pour être moins triste
Réappris à vivre en étant sous terre
Retrouvé mon coeur après l'avoir eu en pierre
Pour ma famille, je suis chez les mélancoliques anonymes
[Couplet 2: Soprano]
Au début j'rappais pas pour en vivre
On rappait tous dans un bloc autour d'un poste pour le délire
J'partais en impro, j’enchaînais les mots
J'allumais le mic et ma bouche était un chalumeau
Je taffais mes jeux de mots
Je n'dormais plus
Toutes mes nuits étaient blanches pour que mes feuilles ne le soit plus
Je faisais rire mes potes grâce au Petit Robert
Mais tout a changé depuis qu'on m’a volé le rôle de père
J'ai eu mal au point de vouloir me couper les veines
Fallait m'voir poser j't’aime à la haine
Fallait entendre ma mère pleurer toute la nuit
À cause des coutumes qui ont poussé mon père à la polygamie
C'est vrai que j'suis sorti de l'ombre
Mais le monde est tellement stone que je ne pouvais écrire que La Colombe
Plus tu grandis moins tu souris
Le temps souffle et détruit ces châteaux d'sable qu'on avait construit
Vous savez aujourd'hui une femme m'a mis en cure
Depuis j'ai moins de degrés dans mon écriture
J'suis moins en état de tristesse
Mais j'fais toujours autant péter ce putain d'mélanco-test
[Refrain: Soprano]
[Interlude: Diam's & Thierry Desroses]
- Merci beaucoup Saïd. Merci pour ce témoignage. Quelqu'un d'autre peut être veut prendre la parole ?
- Moi j'veux bien...
- Nous t'écoutons
[Couplet 3: Diam's]
Bonsoir j'm'appelle Mélanie (Bonsoir Mélanie !)
J'ai 26 ans et j'suis mélancolique aussi
J'suis de ces jeunes filles qui haïssent leur vie
Artiste malgré moi parce que les psys ont failli à leurs titres
Depuis toujours le mal de l'encre me démange
L'amour me manque mais me dérange alors je chante mes cicatrices
Jeune fille vive, guidée par de Lexomil
Peu exotique comme avenir, donc dévouée à l'égotrip
Petite môme, je me réveille comme je rêve
Que je pourrais soigner mes peines, ici au Dôme de Marseille
Ouais je rêve de paix, loin de la parano
Ouais je rêve de 13, ouais je rêve Soprano !
[Outro: Soprano & Pascale Clarck]
- Est-ce que cette thérapie de groupe vous a aidé à soigner votre mélancolisme ?
- Franchement ça m'a fait du bien le fait de voir que j'étais pas tout seul, et le fait d'en parler en plus, c'est vrai que ça m'a fait beaucoup, beaucoup d'bien
- Vous avez compris pourquoi vous étiez tombé dans la mélancolie ?
- Vous savez, le monde il est tellement fou, les gens ils n’ont plus de valeurs, y’a plus de gens... Je vois beaucoup de gens autour de moi qui touchent le fond, et beaucoup de gens autour de moi qui n’ont plus rien à perdre, moi ça me fais peur tout ça...
- Ça vous fait peur ?
- Ça me fait vraiment peur, car y’a pas plus dangereux qu’une personne qui n’a plus rien à perdre...