. . 1
. . Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux,
. . Même riches ils sont pauvres, ils n’ont plus d’illusions, et n’ont qu’un cœur pour deux.
. . Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande, et le verbe d’antan,
. . Que l’on vive à Paris, on vit tous en province quand on vit trop longtemps.
. . Est-ce d’avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d’hier ?
. . Et d’avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent les paupières ?
. . Et s’ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d’argent
. . Qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, qui dit : “Je vous attends”.
. . 2
. . Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s’ensommeillent, leurs pianos sont fermés,
. . Le petit chat est mort. Le muscat du dimanche ne les fait plus chanter,
. . Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit,
. . Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit,
. . Et s’ils sortent encore bras dessus, bras dessous, tout habillés de raide,
. . C’est pour suivre au soleil l’enterrement d’un plus vieux, l’enterrement d’une plus laide,
. . Et le temps d’un sanglot oublier toute une heure la pendule d’argent
. . Qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, et puis qui les attend.
. . 3
. . Les vieux ne meurent pas, ils s’endorment un jour et dorment trop longtemps,
. . Ils se tiennent la main, ils ont peur de se perdre, et se perdent pourtant
. . Et l’autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère,
. . Cela n’importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer.
. . Vous le verrez peut-être, vous le verrez parfois en pluie et en chagrin
. . Traverser le présent. En s’excusant déjà de n’être pas plus loin.
. . Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d’argent
. . Qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, qui leur dit : “Je t’attends”,
. . Qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, et puis qui nous attend.