Dans le ciel fument de grands vaisseaux
et sur terre il y a ce soir un homme qui écrit
près d’une bougie
avec un stylographe Watermann
Il pense aux oiseaux gris
il pense au pays qu’il ne connaît pas
comme on pense à son chien endormi
Il sait beaucoup de choses qui n’ont pas
de nom sur la terre et dans les cieux
d’où s’envolent les grands vaisseaux
Les arbres réclament le silence et la pluie
Il y a un homme qui écrit près d’une bougie
près d’un chien endormi
et qui pense à la lune
et qui pense au Bon Dieu
Il y a aussi ces papillons
petites réclames du paradis
maison des anges très bien mis
propriétaires des cannes élégantes
et de grandes voitures
simples souples silencieuses
Les anges sont des amis
à qui l’on demande conseil
pour choisir une cravate
et qui répondent tristement
Choisis celle qui a la couleur de tes yeux
Les anges disparaissent
dans les flammes des bougies
et il n’y a plus que les arbres
et naturellement les animaux que l’on oublie
et qui se cachent
Ces braves savent
que le silence est de rigueur
à cette heure de la nuit courageuse
à cette heure où descendent les prières
et les chansons sur des échelles de coton
C’est l’heure où l’on voit aussi des yeux
qui ne veulent pas s’éteindre
immobiles comme des séraphins
Anges de Paris prêtez-moi vos ailes
prêtez-moi vos doigts
prêtez-moi vos mains
Faut-il que je dorme encore si longtemps
et que ma tête soit plus lourde qu’un péché
Faut-il que je meure sans un cri
dans le silence que réclament les arbres
près d’une bougie
près d’un chien endormi