Je suis partie d'Angleterre encapuchonnée,
de principes très austères, et d'un cache-nez.
Éléonore d'Aquitaine, Richard Coeur de Lion,
Waterloo, Sainte-Hélène, et Napoléon.
J'entrais, pleine de méfiance, dans la cage aux lions.
J'ai mis le pied sur la France avec précaution.
Je n'aimais pas les grenouilles ni les colimaçons!
J'étais perdue, pauvre fille, dans cet univers.
La terre, les automobiles, roulaient à l'envers.
Les gens parlaient bien trop vite et beaucoup trop fort.
Un parfum de pommes frites voltigeait dehors.
Je pensais: "Quelle effroyable civilisation
car le thé est imbuvable dans cette nation
où l'on mange des grenouilles et des colimaçons!"
Pays des Folies Bergère, de la pompadour,
"La France," disait ma mère, "c'est d'abord l'amour.
On te dira des poèmes—ne t'y fie pas trop.
Prends garde aux quais de la Seine—prends garde au métro."
En fait de marivaudage, de jolies chansons,
un monsieur, un jour d'orage, m'a dit: "Nom de nom!
Quel beau temps pour les grenouilles et les colimaçons!"
Mais quand l'un d'eux me dit "je t'aime" quelques mois après,
j'étais déjà Parisienne ou peu s'en fallait.
Alors, je l'ai laissé dire tout son boniment.
Je lui ai fait un sourire et voici comment
une Anglaise sans défense, devant un garçon,
sous le ciel de l'Île-de-France, a changé de nom.
Et je mange des grenouilles et des colimaçons!