En ce temps-là,
monsieur le surveillant des classes secondaires
était un peu efféminé.
En ce temps-là,
je lisais le Grand Meaulnes et après les lumières,
je me faisais plaisir,
je me faisais dormir.
Je m'inventais un monde
rempli de femmes aux cheveux roux.
J'ai dit de femmes, pas de jeunes filles.
Cette année-là,
je n'oublierai jamais le regard de vipère
que m'avait lancé ce vieux rat.
Cette année-là,
j'avais posé les yeux sur la croupe incendiaire
de ma professeure de droit.
Elle avait mis le feu en moi,
j'avais avalé la lumière.
J'aurais aimé la Terre entière,
seulement les femmes, pas les jeunes filles.
Pauvre de moi,
monsieur le surveillant des classes secondaires
passait ses nuits à espionner.
Pauvre de moi,
du couloir des secondes au dortoir des premières,
comment les jeunes étaient couchés,
bien sur le dos les bras croisés
sur la couverture de laine,
des fois qu'on aurait des idées,
pauvre taré, pauvre chimère.
C'est pourtant là
que durant des années j'ai rêvé d'adultères
que je n'ai jamais consommés.
Et chaque nuit
quand je tiens dans mes bras une femme trop fière
qui se refuse à me donner
un peu plus que le nécessaire,
parce que j'hésite à la défaire
de son carcan de préjugés,
parce que je n'ai pas la manière,
j'ai presque envie de lui confier
qu'en ce temps là,
j'avais un surveillant des classes secondaires
mais ça la ferait rigoler.