Ta maison est proche du pont de l’Europe
au-dessus des voies
où filent les trains pour Le Havre, non-stop,
ou pour Courbevoie
sur le pont secoué comme par le tonnerre
du choc des pistons.
Poussent des jardins dans bien peu de terre
beaucoup de béton.
Là, un grand rosier couvert de ces roses
qu’on nomme roses-thé
malgré la poussière aux festons moroses
fleurit tout l’été.
Un rosier et sa charge qui l’embaume
d’un jaune irritant,
un peu jaune de Naples, un peu jaune de chrome.
Un jaune exaltant
et moi, le voyant, né du macadam,
pense à tous les coups :
Où donc puise-t-il tous les ors de la gamme
ce grand rosier fou ?
Où, dans ce bitume jeté sur le vide,
trouve-t-il la beauté
et dans la grisaille des vapeurs putrides
tant de volupté ?
Et puis, comme longtemps j’attends au feu rouge,
je reviens à nous.
Dans le mouvement du rosier qui bouge
ton corps se dénoue
et l’éventail de tes désirs flexibles,
jamais rassasiés,
toute ta jeunesse offerte pour cible
Comme ce blond rosier,
toi qui fleuris au carrefour de la ville.
Peu, bien peu vivant
les pieds sur du rien, la tête fragile,
secoué par le vent.
Ne demande pas aux quelques paroles
qui me viennent là
un sens ou celui d’une parabole.
Il n’y en a pas
ou demande-le à ton horoscope,
si lui sait pourquoi
lorsque je traverse le pont de l’Europe
moi, je pense à toi.