Soleil de feu sur la mer Rouge.
Pas une vague, rien ne bouge.
Dessus la mer, un vieux cargo
Qui s'en va jusqu'à Bornéo
Et, dans la soute, pleure un nègre,
Un pauvre nègre, un nègre maigre,
Un nègre maigre dont les os
Semblent vouloir trouer la peau.
« Oh yo... Oh yo...
Monsieur Bon Dieu, c'est pas gentil.
Moi pas vouloir quitter pays.
Moi vouloir voir le grand bateau
Qui crache du feu et marche sur l'eau
Et, sur le pont, moi j'ai dormi.
Alors bateau il est parti
Et capitaine a dit comme ça :
“Nègre au charbon il travaillera.”
Monsieur Bon Dieu, c'est pas gentil.
Moi pas vouloir quitter pays.
Oh yo... Oh yo... »
Toujours plus loin autour du monde,
Le vieux cargo poursuit sa ronde.
Le monde est grand... Toujours des ports...
Toujours plus loin... Encore des ports...
Et, dans la soute, pleure un nègre,
Un pauvre nègre, un nègre maigre,
Un nègre maigre dont les os
Semblent vouloir trouer la peau.
« Oh yo... Oh yo...
Monsieur Bon Dieu, c'est pas gentil.
Y en a maintenant perdu pays.
Pays à moi, très loin sur l'eau,
Et moi travaille au fond bateau.
Toujours ici comme dans l'enfer,
Jamais plus voir danser la mer,
Jamais plus voir grand ciel tout bleu
Et pauvre nègre malheureux.
Monsieur Bon Dieu, c'est pas gentil,
Moi pas vouloir quitter pays.
Oh yo... Oh yo… »
Au bout du ciel, sur la mer calme,
Dans la nuit claire, il voit des palmes,
Alors il crie : « C'est mon pays ! »
Et dans la mer il a bondi
Et dans la vague chante un nègre,
Un pauvre nègre, un nègre maigre,
Un nègre maigre dont les os
Semblent vouloir trouer la peau.
Oh yo... Oh yo...
Monsieur Bon Dieu, toi bien gentil,
Ramener moi dans mon pays.
Mais viens Bon Dieu... Viens mon secours,
Moi pas pouvoir nager toujours.
Pays trop loin pour arriver
Et pauvre nègre fatigué.
Ça y est... Fini !... Monsieur Bon Dieu !...
Adieu pays... Tout le monde adieu...