Il suffit d'une seconde
Pour voir que je suis du « monde »
Que j’ai des parchemins
Que j’appartiens au Faubourg Saint-Germain
Mais étant de ces follettes
Qui rêvent de galipettes
J’ai voulu voir les gouapes
Enfin, ceux que l’on voit rue de Lappe
Mon Dieu, la belle aventure
Qui m’est arrivée là !
Dire que les gens se figurent
Qu’à ce bal, il n’y a que des voyous, pas du tout !
Il suffit d’être à la page
Pour comprendre leur langage
Donc, pour être au courant
À ce bal, un beau soir, je me rends
Je vois, en lorgnant la salle,
Que les hommes sont tous de beaux mâles
Je me dis : « J’vais en profiter
Sûr qu’un d’eux viendra
Et qu’il m’offrira
Une tasse de thé ! »
J’essaie de marcher d’un pas souple
Alors, au milieu des couples
J’entends dire tout à coup :
« T’as vu c’te morue ? »
C’est moi qu’on salue ?
J’étais fière comme tout !
Là-dessus l’un d’eux m’interpèle
I’ m’fait : « Dis-donc, sauterelle
Ici, y faut les lâcher
Commande un panaché ! J’suis fauché ! »
La chose était si cocasse
Que j’ai réglé sa sous-tasse
Jamais duc ni marquis
Ne m’a tenu de propos si gentils !
Pour que je sois à mon aise
Il ajouta tout bas :
« Allez, amène-toi, punaise !
On va guincher ça, la samba
Ramène-toi ! »
Pis i’ m’dit : « T’as une manière
De te magner l’pont-arrière
Ça promet ! Tiens, tu m’plais !
Alors, moi, chavirée
Je lui fais :
« Je vois, ce soir, tout en rose
L’amour me métamorphose
Touchez comme mon cœur bat
Mais voyons, gamin !
Où va votre main ?
J’ai pas le cœur si bas ! »
I’ m’dit : « Faut pas que ça t’offusque
Même quand c’est une poule de lusque
Qui désire me posséder,
Je veux savoir avant
Si tous ses appâts,
Ce n’est pas du vent.
Je rougis de ma conduite
Mais par ses façons séduite
Je n’ai pu résister
Dans un coin écarté, j’ai flirté
Et j’ai fui ces lieux infâmes
Mais redevenue honnête femme
Je voulus à mon foyer
Retrouver les frissons oubliés.
Comme il rentrait de sa banque
J’ai dit à mon mari :
« J’aime pas les gars à la manque,
Prouve-moi qu’tu chéris ta souris
Gi ! Qu’i’ m’dit.
Désireux de me complaire
Il a fait changer de manières
À tout le personnel
Si bien que le soir même, solennel
Je vois le valet qui s’avance
Et dans le salon, i’ lance :
« Les potes, il est sept heures quatre,
C’est le moment d’se j’ter
Un bifteck-purée
Derrière la cravate
Et pour être z’à la note
Mon époux, l’soir, me chuchote :
« Tu viens ? On va s’pagnoter
Mais c’est bien compris
Si tu m’veux, Mimi,
Faut m’les envoyer !
Passons la monnaie !
Ha ha ha...