J'ai tout oublié des campagnes
d'Austerlitz et de Waterloo
d'Italie, de Prusse et d'Espagne,
de Pontoise et de Landerneau !
Jamais de la vie
on ne l'oubliera,
la première fille
qu'on a pris' dans ses bras,
la première étrangère
à qui l'on a dit « tu »
(mon coeur, t'en souviens-tu ?)
Comme ell' nous était chère...
Qu'ell' soit fille honnête
ou fille de rien,
qu'elle soit pucelle
ou qu'elle soit putain,
on se souvient d'elle,
on s'en souviendra,
d'la première fille
qu'on a prise dans ses bras.
Ils sont partis à tire-d'aile
mes souvenirs de la Suzon,
et ma mémoire est infidèle
à Julie, Rosette ou Lison !
Jamais de la vie
on ne l'oubliera,
la première fille
qu'on a pris' dans ses bras,
c'était un' bonne affaire
(Mon coeur, t'en souviens-tu ?)
j'ai changé ma vertu
contre une primevère...
Qu' ce soit en grand' pompe
comme les gens « bien »,
ou bien dans la rue,
comme les pauvre' et les chiens,
on se souvient d'elle
on s'en souviendra,
d'la première fille
qu'on a prisedans ses bras.
Toi, qui m'as donné le baptême
d'amour et de septième ciel,
moi, je te garde et, moi, je t'aime,
dernier cadeau du Père Noël !
Jamais de la vie
on ne l'oubliera,
la première fille
qu'on a prise dans ses bras,
on a beau faire le brave,
quand elle s'est mise nue
(mon coeur, t'en souviens-tu ?)
on n'en menait pas large...
Bien d'autres, sans doute,
depuis, sont venues,
oui, mais, entre toutes
celles qu'on a connues,
elle est la dernière
que l'on oubliera,
la première fille
qu'on a prise dans ses bras.