La demoiselle du cinquième étage
Nous chante à plein coeur qu'elle va se marier.
Paraît qu'ce s'ra un sacré mariage.
Voilà c'qu'on entend à chaque palier.
C'est drôl' l'amour, comme ça vous change,
Elle qui était si triste avant.
Maintenant elle a d'la joie d'rechange
Et des yeux clairs par tous les temps.
Alors elle croit que la vie est belle
Et que les caresses ça pousse partout,
Que ses amours seront éternelles
Et qu'elle a le droit de rire jusqu'au bout.
Lui et moi, c'était pareil.
Je croyais au Père Noël.
Je l'aimais à perdre haleine,
C'était pareil.
Bien entendu, il y a eu maldonne.
La belle robe blanche est décommandée.
Le gars prétend que la blague est bonne
Car il a tout pris sans rien lui donner.
L'amour, c'est comme les chemises de soie :
Deux choses qui s'achètent au printemps.
On fait un rendu pour la soie
Mais l'amour, c'est plus encombrant.
Alors la gosse, laissée pour compte,
Elle passe des nuits, des nuits à pleurer
Et dans le jour voilà qu'elle raconte
La peine que ses nuits ont mis de côté.
Lui et moi, c'était pareil.
Je croyais au Père Noël.
Je l'aimais à perdre haleine,
C'était pareil.
La demoiselle, qui avait tant d'peine,
C'était à prévoir, voulut se tuer.
Elle a voulu se j'ter dans la Seine,
Voulu... ou du moins elle en a parlé.
Et puis elle a fait une affaire
Avec le rire d'un grand gars.
Un jour il lui f'ra des misères
Mais ell' s'en fout, ell'n'y pense pas,
Et la voilà, tiens, qui recommence
À chanter partout qu'ell' va se marier,
Crier de joie et pleurer d'avance
Voilà c'qu'on entend à chaque palier...
Toi et moi, c'est tout pareil.
Il faut croire au Père Noël
Et je t'aime à perdre haleine,
C'est tout pareil.