Je pris quelques matés debout dans la cuisine (1)
Je vis comment le soleil se balançait sur le monde
Je regardais l’heure, c’était sept heures moins le quart,
Je me sentais fatigué d’attendre.
Je me mis la chemise et le Jeans
Je mis le revolver dans la tige de la botte,
J’allumai un cierge aux pieds de Saint Antoine,
Saint Patron des hors-la-loi.
Je fonçais, à moto jusqu’au bar La Cucaracha
Où, en silence, m’attendaient les gars.
Fernet-Coca (2) et whisky avec des cigarettes.
La mort sentait le tabac et le café.
Le coup était plus ou moins bien préparé,
Plus de deux mois finissant les détails.
Deux des nôtres pressant les caissiers
Et moi, dans la rue, dans une voiture de location.
Mais vous saurez bien comment se passent ces choses,
Il y a toujours des détails qui échappent au plan,
Quelque employé qui s’appuie à l’alarme
Quelque fou de la gâchette (3) qui se presse pour riposter.
Le premier tir me toucha à la main gauche
Je sortis le revolver de la botte et ouvris le feu
La police exigea que je me rende :
« Tu es encerclé, il n’y a pas moyen de t’échapper ».
Je répondis : cela fait dix ans que je suis encerclé.
Dix longues années que je ne trouve pas même un travail.
À quoi me sert-il d’être vivant si je suis mort,
Je n’ai même pas besoin de me masquer.
S’ils m’écoutèrent, ils ne me firent guère cas.
En un instant, commença la fusillade.
Je finis par m’écrouler sur le trottoir
Après avoir vidé le chargeur.
Je pense ceci, alors que je sens la vie
me quittant, du côté de la mort,
J’ai le revolver déchargé et dans la poitrine,
un trou très difficile à remplir.
J’ai le visage appuyé sur l’asphalte,
Les mains froides et même respirer est douloureux
Je sais que c’est le jour, mais je sens que c’est la nuit,
Je vais le demander à Saint Antoine.
Je n’ai personne et je ne laisse pas grand-chose
Juste une moto au bar La Cucaracha.
Racontez-lui tout et détachez-lui le cadenas
Elle sait déjà en quel lieu elle m’attendra.