Appuyé sur ses bras, derrière un verre1,
il lève à peine un peu la figure et demande encore à boire.
Les rumeurs de la rue filtrent doucement à travers les cloisons,
le chat dort sur le banc et la crasse ternit les vitres.
Tombe le vin dans le verre et puis plus personne ne bouge
et tu ne sais pas si dehors au grand air il fait soleil ou il pleut.
Et cet homme se souvient et, par une farce atroce,
le vin lui donne presque de la force, l'illusion lui donne la voix.
Et il se met sur ses jambes, écarquille les yeux et puis titube,
Comme avec les projecteurs sur les gestes des bras.
Mais il s'arrête à l'improviste et retombe assis,
l'ombre revient sur son visage, le vin revient dans son verre.
Et loin, au-delà, dans le temps, une foule mystérieuse
se tient debout, et crie "Bravo, bien, encore!"
Les projecteurs sont revenus sur son visage et sur ses mains,
il se lève et esquisse une révérence pour ce lointain public.
Et plus forte entre ces murs cette voix s'est maintenant élevée
et fait tinter les vitres et rebondit sur la rue...
1. "il vetro d'un bicchiere" se traduirait littéralement par "le verre (matériau) d'un verre (récipient), ce qui sonne très mal en français, je préfère donc tronquer quelque peu la phrase de Guccini