Je me souviens de l'heure exquise
Où tu parus devant mes yeux :
Fugace, adorable surprise,
Ange candide et délicieux.
Par les désespérants rivages,
Les sentiers vains et agités,
J'ai longtemps vu ton cher visage
Et ta voix douce m'a hanté.
Les ans passèrent. Les orages
Chassant les rêves d'autrefois,
J'ai oublié ton cher visage,
Et désappris ta douce voix.
Dans l'ombre d'une vie recluse1
Se traînaient lentement mes jours,
Privés du souffle de ma muse,
Sans pleurs, sans vie, et sans amour.
Puis, troublant mon âme indécise,
Tu reparus devant mes yeux :
Fugace, adorable surprise,
Ange candide et délicieux.
Et dans mon cœur à nouveau fusent
Et se raniment tour à tour,
Sous l'ardent souffle de ma muse,
La vie, les larmes et l'amour.
1. Pouchkine avait été condamné à l'exil par le tsar Alexandre Ier.