C'est une belle journée ensoleillée,
ses souvenirs sont emmêlés,
ses émotions ensommeillées,
il y a du monde au rendez-vous, il se sent aimé.
C'est un jour important, il s'est mis sur son 31.
Jamais autant de gens ne lui avaient tendu la main.
Il a déboutonné sa veste, ses tempes sont brûlantes.
Il voulait écrire un texte mais les mots lui manquent.
Sur le parvis de l'église, toute sa famille est réunie,
c'est rare, c'est formidable.
Celle qui a porté ses enfants et illuminé sa vie,
est là aussi mais dans le corbillard.
Tout autour de lui, la foule parle d'elle au passé.
Les plus vieux se disent qu'ils y ont encore échappé
en voyant quatre types soulever une petite boîte en bois verni ;
le couvercle est scellé, son contenu inaccessible.
Il est trop tard pour un câlin.
Bientôt, il oubliera sa voix et son parfum.
Elle a embarqué ses secrets, ses rêves et ses remords
enfermés dans ce coffre que des croque-morts portent.
Le cortège traverse l'église d'un pas lent
et dans la nef résonnent
les arpèges d'une marche funèbre accablante
jaillissant d'un orgue immense qui l'impressionne.
C'est une belle journée ensoleillée,
ses souvenirs sont emmêlés,
ses émotions ensommeillées,
il y a du monde au rendez-vous, il se sent aidé.
C'est presque un jour de fête, un ballet d'adieu
chorégraphié au millimètre par ceux qui s'adressent à Dieu.
Il devient sourd, se ferme au long discours du prêtre,
impersonnel qui minimise notre parcours terrestre.
La religion calme le désespoir face à de lourdes pertes.
Le paradis se cache dans la mémoire et dans l'amour, peut-être.
Il se dit que ce sont les meilleurs qui partent en premier.
Il sourit mais, au fond de lui, il chiale à en crever.
Il s'était pourtant promis de rester joyeux
comme auparavant à l'enterrement de ses aïeux.
Mais là c'est différent car il s'agit de celle avec qui
il a partagé la moitié d'sa vie,
sa confidente, sa maîtresse, sa meilleure amie ;
Il ne restera d'elle que des photos, des lettres et des habits.
Il la revoit sur son lit d'hôpital, la bouche ouverte.
Ses yeux s'humidifient alors il baisse la tête.
Il se sent si mal,
serait ravi de danser sur les rythmiques endiablées de plus de cents cigales.
Il se mettrait à fredonner les belles chansons qu'elle aimait.
Il reprendrait du Bourvil ou du Fernandel
en échange d'un rire, un dernier rire, mais un long... un long fou rire,
un long fou rire avec elle, avant qu'on la mette dans ce trou privé de lumière,
avant que la terre l'engloutisse, avant que l'hiver la digère.
C'est une belle journée ensoleillée.
La chorale chante faux, sa gorge est nouée,
ses émotions se sont réveillées.
Il y a du monde au rendez-vous, il se sent épié.
C'est une belle journée ensoleillée.
La chorale chante faux, sa gorge est nouée,
ses émotions se sont réveillées.
Il sera seul à rêver dans son lit à deux oreillers.