Le bouffon marchait au jardin :
Le jardin s'était tu ;
Il dit à son âme de se lever
D'aller là-haut à sa fenêtre.
Elle se leva gainée d'une robe bleue
Aux premiers appels des hiboux :
Sa voix s'était faite savante à penser
Au rythme serein d'un pas léger ;
Mais la reine ne voulut pas l'entendre ;
Elle se leva dans sa robe de nuit pâle,
Referma la lourde croisée
Et poussa les verrous.
Il dit à son coeur d'aller vers elle,
Quand les hiboux se furent tus ;
Vêtu d'un habit et frémissant
Il chanta pour elle derrière la porte.
Sa voix s'était faite douce à rêver
A des cheveux flottants légers comme des fleurs;
Mais elle prit sur sa table son éventail
Et le chassa dans les airs.
"J'ai un bonnet à grelots " songea-t-il,
"je le lui enverrai avant de mourir" ;
Et l'heure où blanchit la matin
Il le laissa sur son passage.
Elle le mit sur son sein
Sous le voile de ses cheveux,
Et de ses lèvres rouges lui chanta une chanson d'amour
Jusqu'à l'heure où passent les étoiles.
Elle ouvrit sa porte et sa fenêtre,
Par où entrèrent le coeur et l'âme ;
A sa droite vint le rouge
A sa gauche vint la bleue.
Ils se mirent à bruire comme des grillons,
Babil savant et doux ;
Ses cheveux comme une fleur s'étaient refermés
Et dans ses pas la paix de l'amour.
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Poème traduit de l'anglais par Jean BRIAT ,
( William Butler Yeats - Cinquante et un poèmes - William Blake & Co. Edit.)