Une grande église, jour de marché
Sur une vieille carte postale trouvée
Que je n'ai jamais voulu jeter…
Ça ne vous dit certainement rien,
Mais moi je m'en souviens très bien:
C'est le village où je suis né.
Le vieux troquet, les paysans,
Les fermes, les animaux dedans,
Les chemins creux dans les prairies;
Devant la mairie, l'abreuvoir;
Les pavés qui secouaient les chars
Tirés par des chevaux tranquilles.
Derrière la maison de mon père,
Les arbres ombrageaient le jardin,
Où je jouais pensant sincère
Que cela durerait sans fin.
Nous vivions simplement alors,
De la verdure plein le décor;
Il faut croire que c'était pas bien…
Des ingénieurs sont arrivés,
Le village fut modernisé,
Nous voilà dans le droit chemin,
Dans nos boîtes de béton armé,
Affalés devant la télé,
Regardant comme la vie est belle;
A travers nos grandes baies vitrées,
Vue sur les salons décorés
De vases de roses artificielles.
Derrière la maison de mon père,
Les arbres ombrageaient le jardin,
Où je jouais pensant sincère
Que cela durerait sans fin.
Les jeunes tuent le temps à glander,
Jogging de marque ou jean troué,
Ecoutant leur drôle de musique…
Je sais très bien qu'ils ont le droit;
Ils ne me gênent d'ailleurs même pas,
Mais me rendent juste mélancolique,
Quand je repense à leurs parents
Qui achetaient des bonbecs à un franc
En sortant de la communale.
Ce bon vieux temps est terminé,
Tout ce qu'on nous en a laissé:
Des souvenirs et des cartes postales.
Quand dans le jardin de mon père
Les arbres étaient encore debout,
Le paradis était sur terre
Mais il n'en reste rien du tout.