Combien de paumes prêtes à dérober les battements de mon coeur,
Combien, froides, attendent de se réchauffer.
La vigne est ardente, sens-tu comme elle brûle de l'intérieur?
Ne ferme pas les yeux, regarde plutôt, regarde, regarde!
Je suis l'herbe bleue1
Qui chante nuit et jour
Qui détruit le fer et l'acier
Je suis l'herbe bleue,
Qui vit dans ton cœur,
Toute résistance, mon ami,
Est inutile, crois-moi,
Oui, inutile, j'en suis désolée.
Les tiges du mille-fleurs2 me réchauffent les mains,
Jeunes herbes millénaires de la séparation.
Déchirant le mensonge, les herbes s'étirent dans une pureté de turquoise
Un pas fait trembler la terre, sous la faux d'or coulée d'une pièce.
Je suis l'herbe bleue
Qui chante nuit et jour
Qui détruit le fer et l'acier
Je suis l'herbe bleue,
Qui vit dans ton cœur,
Toute résistance, mon ami,
Est inutile, crois-moi,
Oui, inutile – j'en suis désolée.
Ni même l'eau vive, ni même l'eau morte,3
Ni même le vin, ni même le pain
Ne te protégeront, ne te dissimuleront,
Tu ne m'empêcheras pas de croître.
Je suis l'herbe bleue de la forêt,
Depuis mes racines jusqu'au ciel.
Je suis à l'intérieur de toi, mon ami,
Et j'ai poussé à travers toi.
Je suis l'herbe bleue
Qui chante nuit et jour
Qui détruit le fer et l'acier
Je suis l'herbe bleue,
Qui vit dans ton cœur,
Toute résistance, mon ami,
Est inutile, crois-moi
Oui, inutile – j'en suis désolée.
Je suis l'herbe bleue
Qui chante même dans tes rêves,
Qui réduit le fer en cendres,
Car l'attente de l'herbe bleue
Est éternelle, viens donc à moi,
Toute résistance, mon ami
Est inutile, crois-moi,
Oui, inutile – j'en suis désolée.
1. Le texte fait allusion à un conte originaire de Gascogne (également connu en Bretagne), "Le Roi des corbeaux", dans lequel l'héroïne est à la recherche de "l'herbe bleue, l'herbe qui chante nuit et jour, l'herbe bleue qui brise le fer", selon Jean-François Bladé.2. Litt. : de l'achillée, plante réputée pour ses propriétés analgésiques. Le terme russe évoque une plante aux mille fleurs, d'où le lien avec le vers suivant.3. L'eau vive et l'eau morte constituent un motif récurrent dans les contes slaves. Traditionnellement, l'eau morte permet de reconstituer un corps coupé en morceaux, et l'eau vive le ramène à la vie.