On (en) fait une drôle de tête
Et on a un drôle d’air
Chaque fois qu’on va à Gênes
Chaque fois, on se demande
Si cet endroit où l’on descend
Ne va pas nous engloutir — et on (ne) retournera plus chez nous.
Pourtant, on est un peu de la même famille que ces gens-là *
Au bout du compte (ils sont) aussi sauvages que nous
— Mais elle nous fiche une de ces trouilles, cette mer sombre,
Qui bouge même la nuit et ne tient jamais en place.
Gênes pour nous
Qui vivons au fond de la campagne
Et qui n’avons de soleil sur la place que par exception
Le reste du temps, c’est la pluie qui nous arrose
— Gênes, disais-je, c’est une idée comme une autre.
Ah, la la la la la la
Mais on (en) fait une drôle de tête
Et on a un drôle d’air
Chaque fois qu’on regarde Gênes
Chaque fois on la renifle
On se déplace avec méfiance
On s'y sent un peu comme des chiens perdus.
Sale macaia **, guenon de lumière et de folie,
Brume, poissons, Afrique, sommeil, nausée et pensées délirantes
Mais pendant ce temps, dans l’ombre de leurs armoires,
Eux, ils gardent leurs draps de lin et leurs vieilles lavandes.
— Laisse-nous retourner à nos orages,
Gênes, à nos jours tout pareils, (1)
Dans notre campagne immobile
Avec notre pluie qui nous arrose
— Les homards rouges, c’est un rêve,
Et le soleil, un éclair jaune sur le pare-brise…
On (en) fait une drôle de tête
Et on a un drôle d’air
Chaque fois qu'on revient de Gênes...