Près de la croix,
devant le Christ nu de pierre,
sept cercueils de sapin
sont passés sur le sentier.
Sept cercueils de sapin
conduits par la Mort impitoyable,
sept cercueils neufs de sapin
ont quitté ce village,
sous les tornades glacées de l'hiver,
en direction du cimetière paroissial.
Sept vieilles femmes, décrépites et édentées,
sont mortes cet hiver,
et avec elles sont maintenant brisés,
dans sept chaumières de Kernevez,
l'anneau d'or, anneau de la langue,
l'anneau d'or qui unissait
les coeurs nouveaux
des enfants
aux coeurs des vieux.
L'anneau d'or est brisé,
l'anneau est brisé,
la chaîne merveilleuse
qui reliait le présent
aux profondeurs
du passé.
Sept vieilles femmes sont mortes,
sept femmes qui gardaient avec elles,
penchées sur les flammes hautes de l'âtre,
l'esprit,
la beauté,
et la langue de nos Pères.
Sept cercueils de bois,
devant le Christ de pierre
et avec eux s'est tarie
la source fraîche,
inspiration
de la race.
A Kernevez,
sur les vertes berges du lac,
au long des bosquets de noisetiers,
on n'entendra plus maintenant
que
la langue
de l'étranger.
Ainsi chantait Jakou Kerloaz
devant le Christ nu en pierre,
à côté de la croix.