Écoutez, bonnes gens ! Écoutez !
Mes parents m'ont mariée
avec un gars fortuné,
mais si laid, mon Dieu ! si laid !
Écoutez-en encore une
Quand il venait à la brune,
je palissais comme la lune.
Mon sang se figeait d'horreur !
Mes yeux s'emplissaient de pleurs.
Jamais il ne me parlait,
c'est au chat seul qu'il causait.
Sa chemise quand je la lavais,
sur des ronces je la jetais,
à la bise je la séchais,
de mes poings je la lissais.
Et tout le jour j'y chantais:
« Mon mari, maudit sois-tu,
toi d'abord et tes écus,
car tu as fait mon malheur
et tu m'as brisé le cœur.
Et d'avoir tellement pleuré,
mon visage s'est tout ridé.
T'as eu la mauvaise idée
d'acheter l'épousée
comme on achète au marché
un petit cochon de lait.
Pourquoi n'avoir pas acheté
de la corde aux grains serrés,
de la corde au chanvre fin
pour te pendre haut et bien ?
Et alors ? Eh bien voici qui
qu' j'aurais pris pour mari
le plus beau gars, le plus doux
même, même s'il n'avait pas le sou.
Quand il viendrait à la brune,
moi heureuse, comme pas une heure
je sentirai dans mon cœur
la joie grandir comme une fleur.
Sa chemise, je l'aurais lavée
au petit jour dans la rosée.
Mon souffle l'aurait séchée
et mes cils l'auraient lissée.
De fleurs j'l'aurais parfumée.»
Voilà ce que j'y chantais
et croyez-le, si vous voulez,
j'y'ai aussi tellement chanté,
qu'à la fin c'est ce qu'il a fait:
tout a coup, un beau jour,
il s'est pendu haut et court.