Ma pensée est un cygne harmonieux et sage
qui glisse lentement aux rivages d’ennui
sur les ondes sans fond du rêve, du mirage,
de l’écho, du brouillard, de l’ombre, de la nuit.
Il glisse, roi hautain fendant un libre espace,
poursuit un reflet vain, précieux et changeant,
et les roseaux nombreux s’inclinent lorsqu’il passe,
sombre et muet, au seuil d’une lune d’argent;
et des blancs nénuphars chaque corolle ronde
tour à tour a fleuri de désir ou d’espoir…
Mais plus avant toujours, sur la brume et sur l’onde,
vers l’inconnu fuyant glisse le cygne noir.
Or j’ai dit : « Renoncez, beau cygne chimérique,
à ce voyage lent vers de troubles destins;
nul miracle chinois, nulle étrange Amérique
ne vous accueilleront en des havres certains;
les golfes embaumés, les îles immortelles
ont pour vous, cygne noir, des récifs périlleux;
demeurez sur les lacs où se mirent, fidèles,
ces nuages, ces fleurs, ces astres et ces yeux.