Ce matin ma plume est alerte,
Elle redore le blason des mots.
Un peu usés, galvaudés, certes !
Mais qui ont pas dit leur dernier mot.
Elle va sublimer les mots libres,
La subversion et l'irrespect,
Contester la morale des livres,
Innocenter les mots suspects.
[Refrain]
Amour, liberté, vérité,
Il faudra choisir.
Amour, liberté, vérité,
Plutôt qu'obéir.
Ce matin ma plume est au centre,
En plein dans le cœur du sujet.
La folle se frotte le ventre
Aux quadrillés d'un premier jet.
Réhabilitant la mâtine,
Les mots traqués qui en ont bavé.
Qu'elle va quérir dans les épines,
Voire même sous quelques pavés.
[Refrain]
Elle va livrer sans rectitude,
Ses solécismes en un bagout,
Que d'aucuns trouvent, d'habitude
Tout persillé de mauvais goût.
Certes le goût des dithyrambes
Qu'un futur académicien
Accompagne de ronds de jambe
N'a rien à voir avec le mien.
[Refrain]
Léautaud, chrétien détestable,1
Confiait en ricanant tout bas,
Qu'avant tout une chose convenable,
C'est, bien sûr, celle qui ne convient pas.
Que notre première patrie sur terre,
Mes chers ministres, c'est la vie.
Je vous dis ça avant qu'y ait une guerre
Et que vous ne soyez dans vos abris.
[Refrain]
Sacrifice et patriotisme,
Gloire et honneurs, fumisteries !
Ces mots ne sont que des sophismes
Qui envoient les hommes à la boucherie.
Aujourd'hui, ironie suprême :
Hiroshima boit du Coca.
Les français et les allemands s'aiment.
Le commerce a repris ses droits.
[Refrain]
Amour, liberté, vérité,
Il faudra choisir
Amour, liberté, vérité,
Ça ne veut plus rien dire.
[Refrain]
1. Paul Léautaud, est un écrivain et critique littéraire français (1872-1956). Dans les volumes 10, 11, 12 et 13 de son « Journal Littéraire » (correspondant à la fin des années 1930 et à la Seconde Guerre mondiale) il exprime des vues teintées d'antisémitisme.