[Couplet unique]
Amal a grandi dans la hess, à deux ans, elle immigre du Maroc à la té-c'
Elle atterrit dans le 77, cité de la Pierre-Collinet, le ghetto français, c'est pas la jet set
Papa est agent d'nettoyage, maman, femme de ménage ; Amal devient adulte avant l'âge
C'est une femme dans un corps d'enfant ; quand on est pauvre, on est pas naïf longtemps
Seule, entourée de quatre frères dans la misère, ça forge le caractère
C'est les années 80, l'époque est paro : un de ses grands frères tombe dans l'héro'
J'te parle d'une vraie meuf de té-ci, qu'a plus de vécu que tes rappeurs qui s'invitent des vies
Elle s'ra jamais du genre à s'laisser marcher d'ssus : Amal a tellement pris de coups qu'elle ne les sent plus
Amal a tellement pris de coups qu'elle ne les sent plus
Amal a un p'tit frère qui s'appelle Amine (qui s'appelle Amine), on n'échappe jamais à c'que Dieu nous destine
Amine est fougueux, Amine n'a pas froid aux yeux ; pur produit d'la banlieue, Amine joue avec le feu
Incarcéré à treize piges, le juge l'assassine ; plus jeune détenu de France, son avenir se dessine
Amal a beau écrire au tribunal, rien n'y fera, on passe pas tous entre les gouttes comme Alexandre Benalla
Son incarcération sera destructrice, Amine vit cet emprisonnement comme une injustice
Amine fourmille le système, Amine a la rage (Amine a la rage), Amine finit dans les braquages (dans les braquages)
En tout, dix-sept années de braquages, Amal enchaîne les courriers et les parloirs
Les gens t'oublient quand on t'incarcère, Amal ne lâchera jamais son petit frère
À vingt-neuf ans, Amine est en cavale, il cherche à échapper à un contrôle banal
Il prend la fuite mais le flic ne lui fait pas de cadeau : sans sommation, balle dans le dos
Puisqu'ils ont tué son petit frère, contre le système, Amal part en guerre
Le flic prétend la légitime défense, n'exprime aucun regret, fais même preuve d'arrogance
Les médias répandent la version policière, en France, personne ne pleure sur le sort d'un gangster
Ses parents vivent dans la peur mais Amal ne lâche rien et elle finit par trouver des témoins
Malgré les faits et les preuves amassés, le flic est acquitté au premier procès
Choquant, même le procureur fait appel ; une balle dans l'dos, ça ne peut être accidentel (accidentel)
Amal poursuit la bataille, elle puise son courage au plus profond de ses entrailles
Elle s'oublie elle-même, mets sa vie de côté, elle a un mari qui l'aime, la soutient dans l'adversité
Parfois, Amal a des idées noires, un désir de vengeance inonde son désespoir
Devant l'incompréhension, des fois, elle pense au pire : œil pour œil, dent pour dent, tu vois c'que j'veux dire
Alors qu'elle risque de prendre un mauvais tournant, Dieu lui accorde un troisième enfant
Un petit garçon, beau, hnin, il lui ressemble tellement qu'elle l'appelle Amine
Sur la haine, l'amour reprend le dessus ; à force de résistance, elle trouve enfin une issue
Après cinq ans de lutte acharnée, le flic est enfin condamné
Amal respire, Amal retrouve le goût d'vivre, Amal désire
Amal a des projets, Amal sourit, Amal a le cœur qui bat, Amal fleurit
Plus d'place pour les incertitudes, Amal reprend les études
À quarante ans sur les bancs d'la fac, Amal veut devenir avocate
Elle pense aux autres, ouais, elle n'oublie pas Amine alors elle pense aux nôtres, ouais
J'écris son histoire pour ne pas oublier c'qu'on peut faire avec de la volonté
T'as vu ? Nos sœurs sont belles, immense est le courage qu'elles portent en elles
Dix ans après, fallait qu'j'le répète : on est pas condamnés à l'échec